jeudi 22 avril 2010

Habiter l'espace

Ce matin, en écoutant mon café s'égouter dans la cafetière, je regardais la ruelle derrière mon immeuble à travers la fenêtre de ma cuisine. Sans trouver de réponse, je me suis demandé à quand exactement remontait le moment où j'avais senti pour la première fois que j'habitais là, que cet endroit était à moi. À quel moment, les voitures stationnées, les petits terrains, les arbres morts, les toits des immeubles, les chats et la ruelle, étaient devenus à moi, s'étaient mis à refléter ce que je concevais comme ma vie? Il me sembla alors que l'espace s'était imposé, que je m'étais rendu jusqu'ici sans trop comprendre, que je n'avais pas été assez prudent. Les lieux devraient surement être a priori anonymes, mais comment faire? Tout me semble incomber à quelqu'un. Tout a déjà appartenu à quelqu'un quelque part. Je ne suis propriétaire de rien sinon de ce sentiment que rien ne m'appartient, que les meubles sont remplis des réminiscences que d'autres y ont enterrées, que les murs sont troués là où on a creusé avec sa tête, que je glisse sur le plancher recouvert d'une poussière étrangère, qu'habiter un lieu est compliqué et que je me contente bien mieux de l'occuper. Si j'écoute avec attention, j'entends mes voisins. Mais si j'écoute encore, j'entends mon appartement craquer et je ne peux m'empêcher de me demander si ce n'est pas quelqu'un, quelque part, qui se souvient.

©Charles Dionne 2010

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